La Créole du Central Garage

de Jean Pallu

Soledad, la belle créole, a disparu du Central Garage depuis trois jours. Les employés défilent devant sa loge en espérant la revoir. Ils continuent à travailler, à vendre et à réparer des camions mais le cœur n’y est pas vraiment : elle leur manque. Où est Soledad ? Reviendra-t-elle aujourd’hui ?

Jean Pallu (1898-1975) fut l’un des représentants les plus originaux de la littérature prolétarienne et populiste. Quatre ans après le succès de Port d’escale (1931), il écrit La Créole du Central Garage (1935) où il démonte avec une terrible lucidité le mécanisme de la rêverie et de l’imaginaire des employés. Il poursuit ainsi son tableau de cette petite classe moyenne à laquelle il fut un des très rares à s’intéresser.

Extrait
Ils traversèrent le garage en silence. La journée s’annonçait mal. D’ordinaire le premier arrivé faisait un brin de causette à la créole. Les autres le rejoignaient et ils formaient le cercle autour de la porte de la loge. Quelques instants après on les entendait rire dans les vestiaires. Par la porte ouverte on les voyait, tous en caleçon ou en liquette, qui enfilaient leurs bleus en dansant sur une jambe devant leurs placards. Eugène lâchait un pet sonore qui soulevait une brutale gaîté. Tonin imitait le cochon ou le canard. Jean-Benoît montait sur les épaules d’Hospital et relevait avec le bout de son pied la chemise de Joseph dont le ventre était barré par un bandage herniaire. Cela durait jusqu’au moment où Claudius, le chef d’équipe, passait la tête par-dessus la cloison. – C’est pas bientôt fini, ce boucan, bande de gosses ? Vous avez vu l’heure qu’il est ? Prosper va sonner, je vous l’annonce. On dirait que vous avez envie qu’on vous fasse sauter une demi-heure. C’était alors la ruée vers la pendule que surveillait le concierge, une pointeuse d’ancien modèle qui avait dû servir au moins pendant dix ans dans les usines de la société Robert et qu’on avait envoyée au moment de l’ouverture de cette succursale, avec les machines et l’outillage. En poussant fortement le levier à gauche d’un coup sec on échappait une dent du pignon et on gagnait une minute. Une minute le matin, une minute l’après-midi, deux minutes rabiotées chaque jour, pendant toute l’année sur les heures de travail… c’est quelque chose qui compte dans la vie d’un ouvrier. Tous connaissaient le truc et personne ne se pressait.

  • 212 pages ; 19 euros
  • ISBN 978­-2­-9570289­-4­-8
  • Parution avril 2022

Disponible en librairie ou à la commande par mail : ovbedition@gmail.com ou à cette adresse : On verra bien, 6 rue de la Nation, 87000 LIMOGES France

Presse & Médias :

Une chronique du livre sur le site de L’Alamblog.